Viewer and Participant

Une exposition monographique de Michel Auder

30.06.05 > 30.09.05
Galerie de la Friche Belle de Mai

Aéroport JFK, 1971. La troupe de théâtre “Les Cockettes”_ entre univers “Drag Queen”, “Glam Rock” et “Hair”_ est attendue en porte d’arrivée d’un vol en provenance de San Francisco. Michel Auder est là, il filme, il n’est pas seul, une ribambelle de joyeux fans attendent bruyamment, coupe de champagne à la main et cheveux longs, joins dans l’autre et maquillage soigné pour les hommes, guitare et chorale improvisée autour d’un slogan scandé : “Ahhhhhhhhhhhh… Cockettes !” Le vol est annoncé, quelques minutes passent avec leur lot de passagers anonymes et enfin voici “Les Cockettes”, composée d’une quinzaine de comédiens, danseurs et chanteurs hommes et femmes. La troupe se mêle avec un plaisir exhibé au comité d’accueil. Des danses sont amorcées à droite. Michel Auder capture au passage les retrouvailles larmoyantes de deux femmes amies, soeurs, amantes ?. En fond de scène apparaissent les figures intriguées, amusées ou irritées d’un public fortuit composé de policiers, commerçants, voyageurs et personnels navigants. Nulle arrestation ne vient briser l’ambiance déjà exaltée et le départ de l’aéroport a lieu dans une nonchalance surnaturelle.
La scène suivante se déroule au Chelsea Hôtel, “Les Cockettes” sont réunies dans la chambre de Michel Auder et nous offrent le spectacle envoûtant de leur propre éblouissement. On devine peu à peu le fonctionnement de ce passage, coincé entre notre fascination de voyeur et l’envie d’en saisir l’enjeu. On devine la troupe trans-genres face à un téléviseur qui retransmet en direct leur propre image. L’effet de mise en abîme est immédiat et chacun séparément ou à plusieurs adopte différentes postures moins proche d’un exercice narcissique que d’une performance collective simulant l’érotisation d’un geste théâtralisé. C’est toute la puissance intrinsèque de l’image médiatique qui est ici en jeu et l’effet miroir du monde télévisuel devient le motif central de sa vidéo. Elle souligne la liaison originelle entre caméra et théâtralité, la caméra comme encouragement à l’exhibition spéculative ou spectaculaire (présentation de soi et/ou engagement à jouer).
Michel Auder, dès ses premiers films en 1968 jusqu’au plus récentes vidéos, a toujours brouillé les pistes de possibles classifications. Son travail vidéo explore une grande variété de genres allant de la fiction narrative au collage télévisuel en passant par ses portraits vidéo et récits de voyage. Il abolit les distinctions entre documentaire et performance, entre improvisation et jeu d’acteur, entre distance et intimité.
Michel Auder a mis au point une triangulaire où il est celui qui regarde, participe et documente en simultané. Sa caméra est un vecteur social opérant, et la vie, la sienne et celle de autres, devient une performance sans fin : “…it’s more of a performance than reality. When i turn the camera on… it becomes performance” .
L’aspect formel de ses travaux, intuitivement perçu comme “amateur”, affirme l’idée de vidéos non scénarisées qui saisissent le réel dans son immédiatetté et paraissent issues d’une absence totale de mise en scène. Si Auder introduit furtivement un redoublement du trouble dans la perception selon que la vidéo est totalement ou en partie “fictionnée”, il perturbe un peu plus les relations entre sphère privée et publique.
Des “Chronicles : family diarys” ou Auder filme à la manière d’un reportage illimité son environnement proche, ses amis, sa famille, révélant une superposition entre vie et oeuvre, à ses portraits d’artistes (Cindy Sherman) ou ces chroniques vidéos (Chelsea Girls with Andy Warhol), Michel Auder capture un véritable "casting" d’artistes et d’écrivains dans un Manhattan illuminé, il dévoile une oeuvre vidéo où vie et milieu de l’art sont une seule et même entité.
L’exposition “Viewer and Participant “, présente en deux temps une sélection de Vidéos, photographies et documents de Michel Auder. Elle tente par l’élaboration d’une mise en scène de la déambulation mais aussi de la diffusion cinématographique de dévoiler la compléxité de cette œuvre peu connue en France.

______________________

1 - Chun-Hui Wu, Interview with Michel Auder (Taipei : Chinese Film Archive, 2002).
______________________

Une exposition réalisée avec le soutien de Mécènes du Sud, le Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Fonds Etant Donnés, les peintures Vacquier, Néokom et Album d'images.
Remerciements à la galerie Suite106, New York.

______________________

IMAGES DE L'EXPOSITION

(copyright Matthieu Verdeil)